ANNEE BEETHOVEN
Beethoven accro à des médicaments ayant causé sa surdité? La thèse de Vincent Arlettaz, musicologue suisse, est vraisemblable.
Le compositeur était sujet à différentes maladies, elles-mêmes possiblement provoquées, ou tout du moins accentuées, par un style de vie qui n'avait sans doute rien à voir avec celui d'un bon père de famille.
S'il est avéré que les antidouleurs qu'il prenait en surdose contenaient des composants toxiques pour le système auditif, ceci expliquerait l'évolution de sa surdité qui, comme cela est maintenant établi, ne s'est faite que lentement et progressivement. Elle rendrait aussi justice à la force créatrice de Beethoven, en particulier dans ses dernières œuvres, dont on a trop souvent mis les audaces inouïes au compte de son "découplage" avec la réalité tangible des phénomènes sonores.
Car le sous-jacent que l'on retrouve dans nombre de biographies ou commentaires voudrait que le caractère hors-norme de sa musique soit le fruit d'une heureuse alchimie, écho quasi surnaturel d'un monde sonore perdu et transfiguré.
L'hypothèse de Vincent Arlettaz est plus cohérente avec ce que l'on connaît de Beethoven. N'oublions-pas que celui-ci est un fils des lumières pour qui la raison est ce qui définit l'homme, elle ne saurait donc être étrangère à l'art. L'art n'est pas le domaine de l'irrationalité, un point fondamental qui le rapproche de la science.
D'ailleurs comme le dit Beethoven l'une des fois où il mentionne la science: "seuls l'art et la science placent l'homme au niveau de la divinité".
C'est donc l'un des grands paradoxes de l'histoire de l'art. Aux grands génies dont les œuvres sont le pur produit de l'indivisibilité pour l'homme de l'art et de la science, succède le romantisme qui va dissoudre cette puissante combinaison pour aboutir après mille péripéties à une déconstruction reflétant ou en lien avec la déconstruction mentale, spirituelle et émotionnelle de l'homme actuel.
Les dernières œuvres de Beethoven sont celles d'un musicien au sommet de son art, d'un homme dont la détermination à "élever l'humanité souffrante" grâce à son art reste intacte, un compositeur qui ne peut accepter la moindre approximation dans son oeuvre et qui, comme tout grand génie scientifique, fait des découvertes où il est permit de dire "il y a un avant et un après".
Or, n'y aurait-il pas eu méprise sur ce qui devait venir après? Certains ont voulu faire du Beethoven en copiant la forme, d'autres ont prétendu qu'il avait tout dit et qu'il fallait tout casser puisque qu'il était impossible d'ajouter quoi que ce soit de significatif.
Et si, au contraire, il fallait reprendre là où le fil s'était rompu? C'est peut-être le moment de ne pas être sourd à ce que nous dit Beethoven.
D'où la question fondamentale que nous renvoie la surdité de Beethoven et de bien en comprendre la genèse et ses conséquences.
La revue musicale de Suisse romande
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