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dimanche 6 septembre 2020

La Sonate à Bridgetower


George Bridgetower; il y a de fortes chances pour que ce nom ne vous dise rien! Et pourtant, c'est celui du véritable dédicataire de la fameuse sonate à Kreutzer de Beethoven. Une dispute avec Bridgetower amena Beethoven à changer la dédicace de sa sonate pour l’offrir au virtuose français Rodolphe Kreutzer lequel, incapable d’en comprendre la portée, ne la joua jamais …

Il faut lire le roman d’Emmanuel Dongala « La Sonate à Bridgetower, sonata mulattica» retraçant la vie du jeune violoniste prodige, George Bridgetower, mulâtre originaire des Barbades par son père et de Pologne (où il est né) par sa mère. Ayant reçu l’enseignement de Joseph Haydn à la cour des Esterhazy il est, à l’instar du petit Mozart, entraîné à travers l’Europe des lumières par son père dans une quête de reconnaissance qui l’amènera de Vienne à Bruxelles, Paris, puis à Londres où le prince de Galles le prendra sous son aile.

C’est lors d’un voyage pour revoir sa famille, alors qu’il est déjà un musicien consacré qu’il retourne  à Vienne, la ville de son enfance, où tout naturellement il rencontre Beethoven avec lequel il partage une amitié et une complicité qui dureront trois mois, jusqu’à la querelle fatale ...

Pourquoi parler aujourd’hui de cet ouvrage publié en 2017 déjà ? C’est qu’il prend aujourd’hui une nouvelle dimension tant dans le contexte de l’année Beethoven que des violents soulèvements provoqués par la mort de Georges Floyd et du mouvement Black Lives Matter.

Le Chevalier de Saint-Georges

Car le roman d’Emmanuel Dongala est aussi l’histoire d’un rendez-vous manqué, celui de l'Europe des lumières et de sa rencontre avec l'Afrique et ses habitants. Mais la colonisation laissait-elle une quelconque chance?

Dans cette Europe qui aurait pu être celle de tous les possibles, une élite noire ayant ses entrées dans les salons aristocratiques trouve d’éminents représentants dans des personnes telles que le compositeur Chevalier de Saint-Georges à Paris ou Angelo Soliman à Vienne (ami de l’empereur Joseph et membre de la même loge maçonnique que Haydn et Mozart). Toutefois, les membres de cette élite, bien qu'à priori tout à fait intégrés, ne parviennent pas à trouver une juste consécration comme l’illustre le cas du Chevalier de Saint-Georges qui se verra refuser la direction de l’Opéra de Paris à cause de la couleur de sa peau ou encore, à Vienne, le destin particulièrement atroce d’Angelo Soliman.

Portrait d'un jeune garçon africain par Rembrandt van Rijn

Certes, George Bridgetower fait exception avec sa brillante carrière mais il y a à cette réalité  un autre versant, celui de l’esclavage. Son père qui redoutait le choc que lui aurait causé la prise de conscience de ce que vivaient les noirs dans le monde occidental d'alors tentera bien de le protéger, mais dans le Paris de 1789 et surtout dans les salons où se retrouvaient la bonne société et les intellectuels de l'époque, les discussions sur l'abolition de l'esclavage (comme celles sur la condition de la femme) figuraient en bonne place et si jamais le jeune George y était resté sourd il y avait, de toutes façons, les mesures policières à l'encontre des  personnes de couleur pour parfaire son éducation sur cette réalité. L'abolition de l'esclavage en 1794 par la France révolutionnaire bientôt suivi de sa réinstauration en 1902 par Napoléon montrent s'il en était besoin, que la bataille était - et est toujours - loin d'être gagnée. 

Enfin, il faut aussi être reconnaissant à Emmanuel Dongala de rappeler, au-delà des horreurs bien connues de la traite négrière, la dimension sociale et économique de l’esclavage avec notamment le fait que les premiers des colonies anglaises étaient des Irlandais ou encore sa dimension culturelle avec la traite arabo-musulmane, dont la portée génocidaire d'élimination pure et simple de l'autre parce qu'il est "autre" est souvent méconnue.


L'arriération coloniale a privé le monde de bien des richesses humaines et bien des talents. Il n'en reste pas moins que cet hommage à George Bridgetower est un plaisir non seulement en nous faisant découvrir un destin exceptionnel mais en le replaçant dans une fresque historique lui donnant son épaisseur. Il nous fait pressentir le merveilleux violoniste qu’il fut, lui qui créa – en la déchiffrant presque à vue - la fameuse et très difficile sonate « à Kreutzer » lors d’un merveilleux concert où Beethoven tenait lui-même la partie de piano. Surtout, il nous rappelle qu'au milieu même du tragique de l'histoire, l’universalité de l’esprit humain demeure et que la musique classique en est l’expression la plus achevée.


dimanche 14 juillet 2013

Pinchas Zukerman montre comment accorder son violon




 Lors d'une Master Class (en anglais), le violoniste Pinchas Zukerman reprends un élève sur un élément aussi basique que souvent négligé : l'accord de l'instrument.
 C'est pourtant un acte fondamental comme le montre Zukerman qui commence par les "retrouvailles" du violoniste et de son instrument qu'il tire de son "isolement" où il est tenu dans sa boite et qu'il retrouve comme un ami que l'on salue. Il sort l'instrument en le saisissant de la main gauche, celle qui va le jouer et puis  passe l'archet par coups, à "sens unique", en commençant par le poussé. Dès l'accord, il faut préparer le violon, le mettre en résonance - harmoniques, etc. - par rapport au ton dans lequel on va jouer (ici, ré majeur).
 Eh oui, derrière cette simple prise de contact, il y a toute la différence entre le croqueur de note et le musicien...